"les jours passaient comme un long trait de lumière"

Publié le par Terry et Fandre (anciennement Ramita)

"Il promena son regard sur la terrasse. Le temps qu'ils avaient passé là depuis leurs premières vacances ensemble, il y avait plus de trente ans de cela, se comptait en années. Rien n'avait changé ou presque. La station lui avait toujours paru désuète, hors du temps, ils n'y venaient qu'aux saisons creuses, à la Toussaint, à Pâques, à Noël ou en juin, après les années de carnage immobilier on avait mis fin aux constructions, depuis tout restait en l'état, ce qui était sorti indemne des années 80 le resterait encore pour longtemps. Il se leva et inspecta la maison. Elle non plus n'avait pas bougé. Les murs étaient d'un blanc velouté. son beau-frère avait dû la repeindre quelques mois plus tôt. Lui et sa femme y passaient des étés bruyants et caniculaires. Ces lits, ces miroirs, le vieux canapé, les carafes, les tableaux mauve et orange, tout cela avait constitué leur repaire secret, leur refuge, et les enfants s'étaient ébroués là-dedans étincelants de joie, de vitalité. C'étit un tel bonheur alors d'avoir du temps pour eux, de les couver du regard, les jours passaient comme un long trait de lumière, tout cela lui semblait léger et baigné d'or. tout cela lui semblait maintenant inconcevable. Que son fils et sa fille aient pu être ces enfants-là, à demi-nus jouant sur les pierres blondes de la terrasse, nageant les yeux ouverts dans l'eau turquoise et un peu froide des calanques, ouvrant leus cadeaux en plein air sous l'olivier paré de boules et de guirlandes, sablant le champagne au jour de l'an sur la plage en croissant, blottis autour du feu chancelant, enroulés dans de vieilles couvertures de laine orange. Que ce temps-là ait pu passer si vite alors qu'il serait le plus heureux de leur vie, il n'en doutait déjà pas alors, et cette pensée souvent lui nouait l'estomac tandis qu'il contemplait les gamis se couvrir de nutella dans la lumière rousse, il en doutait moins encore maintenant que s'annonçaient les ruines. il s'endormit sans même sans rendre compte. "

 

Extrait de la nouvelle Pas de printemps pour Marie , d'Olivier Adam, 2008.

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